Tourisme Charlevoix

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5 juin 2023Marilyne Busque-Dubois

Derrière les résidences cossues de La Malbaie : le rêve aristocratique des premiers touristes de la région

Les maisons, ou plutôt les domaines que l’on peut entrapercevoir à La Malbaie à travers les arbres ou le long du chemin des Falaises, ou « boulevard des Falaises » comme on l’appelait autrefois pour faire plus chic, nous rappellent que ce n’est pas d’hier que Charlevoix s’ouvre aux visiteurs et aux visiteuses en quête d’aventure et de ressourcement.

Dans le très beau livre Charlevoix : une tradition d’accueil (Éditions Sylvain Harvey, 2018), de François Tremblay, David Mendel et Judy Bross, on raconte qu’avant l’arrivée du train et des bateaux à vapeur, les premières personnes à s’être rendues dans la région pour le plaisir, c’est-à-dire les premiers touristes, ont dû se satisfaire d’installations primitives et surmonter de nombreux défis avant de pouvoir jeter leur ligne à l’eau. Une expérience très différente de celle vécue par les estivants qui débarquèrent en masse au nouveau quai de Pointe-au-Pic de la fin du 19e au début du 20e siècle, pour qui confort rimait avec grand luxe.

2800 x 1440 (20) Photo : Tourisme Charlevoix

Influencés par les éloges que le seigneur terrien John Nairne, le député torontois William Hume Blake puis à son tour le juge en chef de la Cour suprême et président des États-Unis William Howard Taft (!), prononcèrent au sujet de La Malbaie (Murray Bay, pour les anglophones), les gens fortunés de Québec et de New York ne tardèrent pas à mandater de prestigieux architectes pour leur construire des résidences d’été d’où inviter à leur tour famille et amis à séjourner.

Citadins à une époque d’industrialisation sans précédent, les villégiateurs rapportent qu’à « La Malbaie, les bains dans le fleuve, qui frigorifient, les embruns iodés et le climat aux brises rafraîchissantes soignent le corps, tandis que la beauté et l’immensité des paysages, l’agréable compagnie de ses semblables, le contact chaleureux des habitants et une nourriture roborative [restaurent] les humeurs positives et la joie de vivre. ».

Photo : Tourisme Charlevoix
Photo : Tourisme Charlevoix
2800 x 1440 (22) Photo : Tourisme Charlevoix

Désireux de s’éloigner de la pollution, de la promiscuité des corps, mais aussi de la réalité déshumanisante des usines, ces riches médecins, juges, politiciens et gens d’affaires font créer pour eux des oasis au charme rustique inspiré du mouvement Arts and Crafts, sorte de retour aux traditions où les maisons comme les meubles doivent être fabriqués par des artisans de la région à partir de matériaux locaux (pierre, bois ou autre) et où l’on commande aux artistes de la place des œuvres sur mesure, en plus de concevoir bâtiments, jardins et vue sur le fleuve en étroite relation les uns avec les autres.

Parmi les villégiateurs les plus marquants de l’époque, le couple d’artistes Maud Cabot et Patrick Morgan fait construire dans les années 1930 une pittoresque maison de pierres dans le secteur de Cap-à-l’Aigle. En plus d’inviter les enfants du coin à venir patiner sur leur étang, le couple s’implique dans la communauté en invitant les artistes locaux à vendre leur production à l’occasion de leur activité de bienfaisance annuelle.

C’est d’ailleurs le petit-fils de Maud Cabot, Francis H. Cabot, et sa femme Anne Perkins Cabot, qui entreprendront de transformer les jardins de la villa Les Quatre Vents en ce que l’on considère aujourd’hui comme « parmi les plus beaux [jardins] d’Amérique du Nord ». Ouvert aux visiteurs quelques jours par année et sur réservation seulement, l’endroit reflète à merveille cet idéal rêvé par les bourgeois de l’époque : celui d’un territoire majestueusement sauvage, mais dompté, dans lequel on ne prend plaisir à se perdre… que pour mieux revenir à l’heure du thé.

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